Tours, témoin insolite : le secret des grands événements de l’histoire de France

Quand Tours stoppe l’invasion arabe – 732 et la « bataille de Poitiers »… à quelques lieues de Tours

La fameuse « bataille de Poitiers » : un de ces jalons historiques dont l’évocation suffit à convoquer l’imaginaire guerrier du Moyen Âge. Mais saviez-vous que l’essentiel des combats menés par Charles Martel contre les troupes de l’émir Abd al-Rahman eut lieu au nord de… Tours, et non à Poitiers ? De nombreux historiens situent l’affrontement vers Moussais-la-Bataille, entre Tours et Poitiers (Wikipedia, livre «», J.Cl. Petit).

  • L’enjeu n’était pas qu’une histoire de frontières, mais la sauvegarde du sanctuaire tourangeau, alors haut lieu chrétien rayonnant sur l’Europe grâce à la basilique de Saint-Martin.
  • L’adage local persiste : « Sans Saint-Martin, point de victoire ! ». Un récit traditionnel veut même que les cloches de Tours se soient mises à sonner toutes seules le soir du combat, galvanisant l’armée franque.

Au fil des siècles, cette victoire est devenue un mythe fondateur, dont la mémoire s’infiltre encore dans certains lieux : il n’est pas rare d’entendre, sur les chemins du Vieux Tours, le récit murmuré d’une cité « qui sauva l’Occident ».

La Loire, frontière naturelle et scène de grands enjeux : Tours, capitale du pouvoir royal

Au-delà du cliché de « ville étape », Tours a pendant des siècles incarné un pôle stratégique majeure en France. Lors de la Guerre de Cent Ans, de l’anarchie féodale à la Renaissance, la Loire fut plus qu’un fleuve : elle devint une frontière politique et militaire, mais aussi la clef de la survie du royaume (La Nouvelle République, 2016).

  • En 1444, Charles VII fait de Tours sa résidence principale pour fuir les troubles de Paris : la ville devient « capitale du royaume » pendant près de 30 ans, de 1444 à 1461.
  • Les grandes décisions du royaume s’y prennent, les Arts fleurissent (installation de l’imprimerie par Martin de Tours, apparition des premiers primitifs français).
  • Léonard de Vinci n’est pas le seul à poser ses valises dans la région : toute la cour, les diplomates étrangers, affluent pour négocier la paix ou… comploter.

On dit même qu’une rivalité féroce opposa les pâtissiers de Tours et de Blois quant à la fourniture d’entremets aux banquets royaux : les fameuses rillettes et le « nougat de Tours » seraient nés d’une de ces joutes gourmandes.

Un pape astucieux, un grand schisme… et Tours épicentre d’un feuilleton médiéval digne de Netflix

On connaît souvent le « Grand Schisme d’Occident » (fin XIV – début XV siècle), où Rome et Avignon disputaient la papauté. Ce qu’on ignore plus : l’une des solutions imaginées fut… un concile à Tours. En 1163, le concile de Tours, convoqué par le pape Alexandre III, réunit plus de 400 évêques venus de toute l’Europe pour régler des querelles religieuses qui secouaient jusqu’aux trônes des rois (Mélanges de l'École française de Rome).

  • Pour l’anecdote, le pape, fuyant l’agitation de Paris et Reims, choisit Tours comme « zone neutre » – entre les courants politiques et religieux majeurs du temps.
  • Il s’agit d’un des plus grands rassemblements spirituels du Moyen-Âge, et tout Tours fut transformé en campement pour accueillir dignitaires, religieux, scribes, cuisiniers et… chevaux (plus de 3000 personnes présentes selon les chroniques contemporaines).

L’événement marqua durablement le visage de la ville : l’Hôtel de Ville médiéval fut réquisitionné, les hôtelleries pleines à craquer, et de nombreuses légendes naissent de ces jours d’agitation, comme celle du scribe ayant rédigé 50 chartes en moins de 48 heures – performance inégalée selon les annales du chapitre.

Tours et Jeanne d’Arc : la fabrique de l’héroïne

C’est à Tours qu’un des épisodes les plus méconnus du mythe de Jeanne d’Arc s’est joué. Avant d’aller sauver Orléans, Jeanne vint, commandée par Charles VII, faire forger son épée et – bien plus remarquable – se voir confectionner son armure chez un maître armurier tourangeau (source : Jeanne d’Arc et la Loire).

  • L’épée, que Jeanne disait trouver « derrière l’autel de Sainte-Catherine-de-Fierbois », fut renforcée et restaurée par un forgeron de Tours, célèbre alors dans tout le royaume.
  • Les archives municipales révèlent que la Ville de Tours fut sommée de financer à crédit, en urgence, vêtements, harnais et solde de l’armée de la Pucelle.

Encore aujourd’hui, un discret médaillon de bronze, caché près de la rue du Grand Marché, rappelle le passage de Jeanne et de ses compagnons. Certains artisans du quartier, amoureux de récits et d’acier, aiment encore raconter que leur atelier descend « en droite ligne » de cette mythique forge.

Des secrets chuchotés dans les caves : Tours au temps de la Résistance

Impossible d’évoquer l’histoire de France sans s’arrêter sur la Seconde Guerre mondiale… et le rôle discret de Tours. Ici, on ne trouve pas de grande bataille médiatisée, mais bien un quotidien de courage, d’ombre et de ruse (Archives départementales d’Indre-et-Loire).

  • De juin 1940 à l’été 1944, la ville fut un relais-clé : base arrière de la Résistance, carrefour d’évasion vers la zone libre, et foyer de messages codés transmis via les berges de la Loire.
  • Les profondes caves médiévales, encore visibles sous de nombreux hôtels particuliers du Vieux Tours, servirent de caches à des centaines de résistants, d’armes et d’archives compromettantes.
  • L’imprimerie Mame, aujourd’hui siège d’école d’Art, fut le cœur d’un vaste réseau de production de faux papiers, coordonné avec les filières de la SNCF locale.

Plus de 600 Tourangeaux furent arrêtés pour faits de résistance, la plupart anonymes, dont les actes sont aujourd’hui évoqués dans les dédales silencieux du quartier Blanqui. Les plaques commémoratives, parfois discrètes, sont autant de balises à redécouvrir.

Des épisodes insolites à ne pas manquer lors de votre prochaine promenade

  • La légende du « pain béni » : au XVI siècle, alors que les guerres de Religion menacent de famine les quartiers populaires, des boulangers organisent une distribution clandestine dans les souterrains des Halles. La dévotion persiste sous la forme du « pain bénit » distribué à la grande messe de la cathédrale (Source : « Les Mystères de Tours », G. Drogue).
  • Un roi menacé… par des crues de la Loire : en 1856, alors que Napoléon III s’arrête à Tours, une crue subite conduit à l’évacuation officielle du souverain, qui promet en échange la construction de digues, toujours visibles au nord de la ville (source : Archives municipales de Tours).
  • Un pont qui changera la France : En 1843, l’autorisation de construire le premier pont suspendu sur la Loire change la donne en matière de commerce et de mobilité, propulsant Tours vers sa modernité industrielle (source : Musée de Tours).

Un patrimoine vivant : marcher sur les traces des grands et des anonymes

Ce qui rend Tours si fascinante, c’est la manière dont l’histoire se conjugue au présent. Chaque coin de rue, chaque pierre rénovée, chaque détour de Loire porte le souvenir de ces événements, petits ou grands, parfois graves, parfois souriants. Pour celles et ceux qui se passionnent pour le passé ou cherchent simplement à voir la ville autrement, ces anecdotes tissent un récit inattendu, façon mosaïque.

Arpenter Tours, c’est marcher sur les pas de rois en exil, de farouches résistants, de religieux astucieux ou de héros ordinaires. Et demain, qui sait ? Une nouvelle page pourrait encore s’écrire dans l’ombre rafraîchissante d’un cloître, ou dans le brouhaha lumineux d’une terrasse sur la place Plum’. Alors, prêt à découvrir la ville autrement ?