Sur les traces des grands personnages qui ont fait l’histoire de Tours

L’évêque Martin, l’âme tutélaire de Tours

Dans la liste des noms indissociables de Tours, impossible d’ignorer Saint Martin. Soldat devenu moine, puis évêque de Tours à la fin du IV siècle, il incarne la charité et l’audace : sa légendaire action de partager son manteau avec un mendiant (source : Encyclopédie Universalis) a traversé l’histoire.

  • Premier “people” chrétien de France, il attire dès sa mort en 397 des foules de pèlerins. On dit que Charlemagne lui-même venait se recueillir sur sa tombe.
  • Sa basilique fut l’un des plus importants monuments de la chrétienté médiévale, rivalisant avec Saint-Jacques de Compostelle.
  • Bien plus qu’une figure religieuse, Saint Martin a donné son nom à près de 4 000 églises en France et reste le saint patron de la ville, célébré chaque 11 novembre par des traditionnels feux et processions.

Anecdote : lors des travaux de percement de la rue des Halles en 1860, les ouvriers découvrent, par hasard, le tombeau antique de Martin ! Véritable choc dans la ville.

De Charles VII à Louis XI : la couronne et Tours, une alliance stratégique

Tours, capitale oubliée ? Pendant la guerre de Cent Ans, la ville prend des allures de siège royal. Charles VII s’y installe en 1422, dans une France déchirée par la guerre. C’est ici qu’il reçoit Jeanne d’Arc – autre grande Figure nationale ! – qui vient demander des armes avant de partir pour Orléans.

  • La ville compte alors près de 25 000 habitants, un chiffre remarquable pour l’époque (source : INSEE/Historique urbanisation française).
  • L’entourage de Charles VII y attire artistes, lettrés, banquiers italiens… La culture tourangelle se teinte alors d’Europe.

Son successeur, Louis XI, affectionne particulièrement la région. Il transforme Plessis-lès-Tours en forteresse et administration discrète où se décident de grandes affaires d’État. La légende veut que le roi, superstitieux, y éleve des cages de fer pour y enfermer ses ennemis — le "fameux oubliettes du Plessis", un détail plus sombre de l’histoire locale (source : France Culture, "Les rois de France et la Touraine").

Balzac, enfant terrible et ambassadeur de Tours

Lové sur les bords de Loire, Tours est la ville natale d’Honoré de Balzac (1799-1850). S’il n’y restera que peu de temps (une enfance partagée entre Tours et Saché), la cité se glisse partout dans son œuvre.

  • La ville apparaît dans 17 romans de la Comédie Humaine, dont Le Curé de Tours ou La Recherche de l’Absolu.
  • Il la décrit comme « une des villes les plus somnolentes de la France », mais s’amuse en filigrane de ses manies et de la bourgeoisie locale. Sous sa plume, Tours prend tout un relief, mêlant gourmandise, lenteur de vivre et secrets enfouis.

Les Tourangeaux lui rendent aujourd’hui hommage : la maison natale (au coin de la rue Nationale) conserve ses souvenirs, et, pour les plus gourmands, l’éclair “Balzacienne” créé en 2019 par la Maison Caffet, qui fait écho à son amour déclaré pour les douceurs locales (source : Tour(s)plus, office du tourisme).

De Rabelais à Descartes : l’esprit tourangeau en héritage

Impossible d’évoquer les figures marquantes sans saluer le génie et l’insolence de François Rabelais (vers 1483-1553). Fils du pays, né à la Devinière (près de Chinon, puis étudiant à la faculté de médecine de Tours), il bouscule le XVI siècle avec ses romans truculents, sa soif de connaissance, son amour des mots.

  • À Tours, il découvre l’imprimerie et la médecine, qu’il exercera à l’Hôtel-Dieu.
  • Son invention du mot “pantagruélique” n’est-elle pas un hommage indirect aux festins tourangeaux ?

Quant à René Descartes (1596-1650), le cartésianisme trouve ses racines en Touraine, à La Haye-en-Touraine (aujourd’hui Descartes). Il passa par le collège de La Flèche, mais la région s’enorgueillit d’avoir vu naître l’auteur du célébrissime « Je pense, donc je suis ».

Pour flâner sur leurs traces :

  • La Devinière, maison-musée de Rabelais à Seuilly, offre une immersion dans le monde du roman satirique.
  • Le château de Saché célèbre Balzac à travers expositions et lectures, dans l’ambiance feutrée d’un manoir du XIX siècle.

Artisans, inventeurs et découvreurs… L’innovation à la tourangelle

Au-delà des têtes couronnées et des grandes plumes, Tours a vu éclore des talents plus discrets, mais non moins essentiels.

  • Jean-Baptiste Nini (1717-1786) : le maître médailleur et céramiste, d’origine italienne, révolutionne l’art du médaillon en France depuis la manufacture d’Amboise. Ses portraits en terre cuite finissent même à Versailles et chez les grands d’Europe (source : Musée de la Céramique, Tours).
  • Léonard de Vinci : s’il est surtout associé à Amboise, impossible d’oublier que son séjour en Touraine (1516-1519) a irrigué tout le Val de Loire d’idées nouvelles. On dit que François Ier venait prendre conseil à Cloux, et que Vinci aurait inspiré les jardins du château de Gaillon, admirés jusqu’à Tours (source : Institut de France).
  • Charles Plumier (1646-1704) : né à Marseille d’une famille tourangelle, il cartographie les plantes exotiques et nomme même deux genres de fleurs “Bégonia” (en hommage au gouverneur de Saint-Domingue) et “Fuchsia”. Sa Flore de la région de Tours fait référence en botanique.

Figures politiques, résistantes et voix pour la justice

Si la Touraine fut jadis domaine royal, le XX siècle révèle une autre facette de la ville : une cité de résistance et d’avant-garde.

  • Marc Sangnier (1873-1950) : journaliste et homme politique né à Paris, il fonde une communauté progressiste à la Riche à la fin du XIX siècle. Son “Sillon” s’inspire de valeurs sociales nouvelles, et sa maison de la Riche accueille les pionniers du catholicisme social (source : Centre d’histoire du travail de Nantes).
  • Andrée Chedid (1920-2011) : la célèbre poétesse et romancière a vécu à Tours durant la Seconde Guerre mondiale. Elle y compose ses premiers textes, imprégnés par la douceur et la lumière de la ville (source : Fondation Andrée Chedid).
  • Raymond Lory (1926-2018) : maire visionnaire de Tours entre 1959 et 1995, il initie la construction du quartier des Deux-Lions et dote la ville de son premier périphérique. On lui doit aussi la préservation du patrimoine architectural du centre (source : La Nouvelle République, 2018).

La mémoire résistante vit encore au sein du Musée de la Résistance et de la Déportation, où des anonymes et des figures locales sont régulièrement mis à l’honneur pour leurs actions durant l’Occupation.

Des artistes inspirés, du Moyen Âge à la scène d’aujourd’hui

Tours ne se limite pas à un simple musée à ciel ouvert. La ville continue d’inspirer artistes et musiciens, dans un dialogue entre passé et présent :

  • Jean Fouquet (vers 1420-1481) : premier grand peintre de la Renaissance française, il réalise une magnifique “Vierge à l’Enfant” pour la cathédrale Saint-Gatien, désormais conservée au musée des Beaux-Arts – une référence du portrait européen.
  • André Abbal (1876-1953), sculpteur d'origine tourangelle, qui participe à la renaissance de l’art du bas-relief et dont des œuvres ornent toujours l’espace public.
  • Katerine (né en 1968), chanteur et musicien à l’univers déjanté, originaire de Thouars mais tourangeau d’adoption, qui n’hésite pas à glisser un clin d’œil à la vie locale dans ses chansons.

Un patrimoine vivant, à explorer au quotidien

Si la pierre et la légende retiennent quelques grands noms, la force de Tours est d’avoir toujours été un terreau fertile pour l’imagination, la résistance ou l’innovation. La ville s’enrichit, au fil des décennies, de routes ouvertes par ses habitants illustres comme de ceux, anonymes, qui l’animent chaque jour.

  • Le parcours “Sur les pas de Balzac” permet de redécouvrir la ville à travers ses œuvres, guidé par des historiens passionnés.
  • Plus de 40 rues de la ville portent les noms de ces figures – de la rue Saint-Martin à l’avenue André Malraux, hommage à l’ancien ministre de la Culture qui planta ici les premières graines de la sauvegarde du patrimoine.
  • Chaque année, le festival de musique Aucard de Tours ou la Fête de la Loire rappellent que la créativité tourangelle est bien vivante.

L’histoire de Tours n’est pas figée : elle bat son plein à chaque tournant de rue, dans chaque pierre sculptée, chaque roman feuilleté, chaque note de musique qui s’échappe des bords de Loire. À chacun de s’en saisir — et qui sait quels nouveaux visages viendront encore enrichir cette belle galerie de portraits ?