Femmes d’exception à Tours : ces destins qui ont façonné la ville

Des temps anciens : saintes, reines et mécènes

Sainte Martinienne et les premiers siècles chrétiens

Figure quasi-mythique, sainte Martinienne est célébrée dans la région tourangelle dès le Ve siècle. Même si l’histoire a souvent fondu sa légende avec celle de saint Martin de Tours, les archives révèlent qu’elle était vénérée comme l’une des premières bienfaitrices de la communauté chrétienne locale (source : Bulletin de la Société archéologique de Touraine). On lui prête l’accueil et la protection de pauvres femmes, mais aussi la fondation de l’un des premiers hospices de la cité. Si son empreinte s’est un peu évanouie sous la pierre des siècles, elle reste l'une des rares figures féminines à apparaître dans les récits fondateurs de la ville.

La reine Bérengère de Navarre, mécène oubliée

Qui connaît aujourd’hui Bérengère de Navarre, épouse de Richard Cœur de Lion ? Reine Plantagenêt, elle décide de s’installer à l’abbaye du Ronceray à Angers mais garde un lien fort avec Tours. En 1209, elle fonde l’abbaye de la Trinité de Tuffé (Sarthe) et participe activement à la vie religieuse et économique de la vallée de la Loire. À Tours, son action a permis le développement des établissements religieux féminins et des maisons d’accueil pour femmes sans ressource (source : Archives départementales d’Indre-et-Loire).

Entre Renaissance et Lumières : guideuses et créatrices

Louise de Savoie, mère et stratège

Louise de Savoie, née à Pont-d’Ain mais très présente à Tours au début du XVIe siècle, fut l’une des plus habiles manœuvrières politiques de la Renaissance française. Mère de François Ier, elle a joué un rôle capital : régente pendant les absences de son fils, elle négocie elle-même la paix avec Charles Quint (Paix de Cambrai, 1529, dite « Paix des Dames »). Son intelligence et sa ténacité inspirent le respect – à Tours, elle séjourne notamment au château du Plessis-lèz-Tours et contribue à dynamiser la vie de la cour et de la ville (cf. « Louise de Savoie, mère de François Ier », Simone Bertière).

Madeleine Des Roches et Catherine Des Roches, duo littéraire tourangeau

Au XVIe siècle, Tours s’anime aussi de cercles érudits, et au cœur de l’un des plus fameux, un duo mère-fille : Madeleine et Catherine Des Roches. Leurs « Salons des Roches », réunissant poètes et penseurs, contribuent au rayonnement intellectuel de la ville. Ensemble, elles publient en 1586 les « Oeuvres », un recueil de poèmes, dialogues et lettres, où s’affirme une rare liberté de ton féminin. Ces femmes de lettres reçoivent Jean-Antoine de Baïf ou encore Scévole de Sainte-Marthe, composant à Tours l’un des foyers littéraires les plus actifs de la Renaissance (source : Archives de la Bibliothèque municipale de Tours).

De la révolution à la Belle Époque : pionnières et combattantes

Jeanne Récamier, héroïne discrète de la Révolution

Si Paris a Manon Roland, Tours n’est pas en reste avec la figure de Jeanne Récamier. Originaire de la région, elle fut l’une de ces femmes engagées dans les sociétés populaires tourangelles : elle s’investit dans la distribution de vivres et de soins, accueille de nombreux orphelins et participe aux débats politiques locaux. On lui attribue la création de l’une des premières « sociétés d’entraide féminines » pendant la Terreur. Une plaque témoigne toujours de son action dans le quartier de la Tranchée (source : Archives municipales de Tours).

Clémence Isaure de Toulouse, marraine des poètes ?

Si son nom résonne plus à Toulouse qu’à Tours, Clémence Isaure fait partie de ces figures légendaires dont la renommée a traversé la France, inspirant au XIXe siècle les sociétés savantes locales à Tours. On lui doit la popularisation des concours poétiques, ancêtres des actuels « jeux floraux », organisés sur les bords de Loire. Elle symbolise cette féminité inspiratrice et créatrice qui, plusieurs siècles plus tard, ressurgira dans la mythologie urbaine (source : Revue de la Renaissance Tourangelle, 1887).

De l’ombre à la lumière : résistantes et militantes du XXe siècle

Lucie Aubrac, une résistante de passage à Tours

On la pensait confinée à Lyon, mais Lucie Aubrac a bien séjourné à Tours, le temps d’une mission clandestine. Sa présence est attestée en mai 1944, lorsqu’elle coordonne la jonction entre réseaux du sud et du nord. Dans la rue Colbert, un café a été utilisé comme point de chute pour ses rendez-vous secrets. Si ce séjour fut bref, il fit date dans la mémoire locale et un square porte aujourd’hui son nom, discret hommage à ce passage éclair mais décisif (source : Dictionnaire historique du mouvement ouvrier français, Jean Maitron).

Madeleine Michelis, lumière du Collège Anatole France

C’est en tant que professeure au collège Anatole France, dans les années 1930-1940, que Madeleine Michelis prend racine à Tours. Résistante, elle aide de jeunes élèves et familles juives à échapper à la Gestapo. Arrêtée en 1944 et morte sous la torture, elle est désormais inscrite sur les murs du collège où elle enseignait. Sa mémoire reste vivace chez beaucoup d’anciens Tourangeaux (source : Comité Tourangeau de la Résistance).

Anna Marly, l’âme musicale du Chant des Partisans

Moscovite d’origine mais artiste de cœur tourangeau, Anna Marly a résidé dans la région après la guerre. C’est à Tours qu’elle compose certains de ses plus beaux textes. Son « Chant des Partisans », écrit à Londres en 1943, devint l’hymne de la Résistance française. Dans sa maison tourangelle, elle reçoit Aragon, Elsa Triolet ou encore Joseph Kessel, et continue de chanter jusqu’aux années 1970 (source : Biographie d’Anna Marly par Bertrand Dicale).

Au présent : créatrices, entrepreneuses et citoyennes engagées

Simone Veil et son héritage à Tours

En 1974, Simone Veil, alors Ministre de la Santé, intervient personnellement pour faciliter l’ouverture du premier centre d’IVG hospitalier de la région, à l’hôpital Bretonneau. L’écho de ce geste dépasse largement la sphère médicale tourangelle : il contribue à changer le regard sur la santé des femmes dans toute la région Centre-Val de Loire, et inspire plusieurs générations de soignantes (source : Archives hospitalières de Tours).

Laurence Tiennot-Herment, pilier de la recherche médicale

Originaire de l’agglomération, Laurence Tiennot-Herment préside depuis 2003 l’AFM-Téléthon, l’une des plus grandes associations caritatives françaises. Siège social à Paris, certes, mais ses racines et ses premières actions locales sont à Tours. Sous sa houlette, la mobilisation tourangelle atteint chaque année des records de dons : rien qu’en 2019, plus de 250 000 € collectés dans le département pour la lutte contre les maladies rares (source : rapports AFM-Téléthon).

Les femmes qui font bouger Tours aujourd’hui : panorama

  • Solen Charlon, architecte, revisite le patrimoine urbain et s'implique dans la redéfinition du quartier des Deux-Lions.
  • Ophélie Barré, fondatrice de la Biscuiterie de la Loire, met en valeur l’artisanat tourangeau au féminin et relance des recettes du terroir.
  • Manon Rigaud, présidente de l’association Les Filles de l’Ouest, organise chaque année le festival culturel consacré aux arts féminins dans la ville.

Le dynamisme des Tourangelles ne se cantonne pas à la sphère publique : il irrigue chaque ruelle, chaque quartier, avec des initiatives originales et souvent solidaires.

Où retrouver l’empreinte de ces femmes à Tours ?

Envie d’aller plus loin ? Quelques idées de parcours pour découvrir sur place l’histoire de ces femmes :

  • La rue des Ursulines, hommage aux religieuses enseignantes et à Madeleine Michelis : arrêt devant le collège Anatole France.
  • Le square Lucie Aubrac, quartier Grammont, pour s’imprégner du souvenir de la Résistante.
  • Visiter les salons du château du Plessis-lèz-Tours, où séjourna Louise de Savoie.
  • Flâner sur la place Anatole France, qui accueille régulièrement des rassemblements associatifs portés par des femmes engagées.
  • Gouter les gourmandises de la Biscuiterie de la Loire pour découvrir les saveurs revisitées par Ophélie Barré.
  • Participer chaque mai au festival Les Filles de l’Ouest pour célébrer la créativité féminine dans les arts et l’artisanat.

Une ville à explorer, toujours au féminin pluriel

Des premières saintes aux entrepreneuses d’aujourd’hui, en passant par les mécènes oubliées et les combattantes de l’ombre, l’histoire de Tours s’écrit aussi au fil de ces destins féminins, parfois effacés, souvent éclatants. À chacun de marcher sur leurs traces pour continuer à faire vivre une ville où la découverte passe aussi par la reconnaissance de celles qui l’ont façonnée. Chaussez vos baskets (ou vos souliers d’époque, soyons fous), ouvrez l’œil : à Tours, l’aventure vous attend, au détour d’un nom de rue ou d’un atelier bourdonnant.