Saint-Martin de Tours : au cœur d’une légende fondatrice et d’un patrimoine vivant

L’étoile qui guida Tours : l’incroyable légende du tombeau de Martin

Qui n’a jamais entendu parler de la basilique Saint-Martin à Tours ? Mais saviez-vous que sa fondation tire sa source d’une légende fascinante où l’invisible flirte avec le merveilleux, repoussant les limites du rationnel ? Oubliez les images figées de pierre et de silence : ici, l’histoire se lit comme un conte, entre foi populaire, stratégies politiques et coups de théâtre célestes.

L’histoire remonte à l’an 397. À la mort de Martin, évêque de Tours adoré du peuple, sa dépouille fait l’objet d’âpres negotiations entre Poitevins et Tourangeaux, tous désireux d'honorer ce saint hors normes. Après moult tractations, c’est Tours qui remporte la précieuse relique. Mais comment localiser précisément le tombeau du saint pour construire un sanctuaire digne de l’homme auquel on attribue déjà de nombreux miracles ?

C’est là qu’entre en jeu la célèbre légende de la « pluie miraculeuse ». Selon ce récit transmis par Grégoire de Tours (VIe siècle), alors que la nuit rend tout repère difficile, la tombe de Martin se signale soudain d’une lumière céleste, tandis qu’une faible pluie tombe partout ailleurs… sauf à cet endroit précis (source : Grégoire de Tours, "Vie de saint Martin"). Cette manifestation, unanimement reconnue comme un signe divin, guide la construction de la première chapelle, ancêtre de la basilique actuelle.

De la tombe à la basilique : la naissance d’un haut lieu de pèlerinage

La simple chapelle d’origine, édifiée par l’évêque Brice vers 437, ne tarde pas à attirer une foule sans cesse croissante de pèlerins venus de tout l’Occident. Pourquoi ? Martin, soldat romain devenu moine puis évêque, est alors le saint le plus populaire de Gaule, célébré pour sa charité légendaire (le fameux partage de son manteau avec un pauvre – non, ce n’est pas qu’une histoire pour enfants).

  • La première basilique, inaugurée en 471, connaît déjà des travaux d’agrandissement dès le VIIe siècle tant le succès du pèlerinage est fulgurant (source : Société Archéologique de Touraine).
  • Le VIIe siècle voit l’église enrichie d’un cloître et d’un hospice pour accueillir des milliers de voyageurs venus prier “le père des pauvres”.
  • Au XIIIe siècle, Tours rivalise même avec Saint-Jacques-de-Compostelle : être «canonicus S. Martini» (chanoine de la basilique) devient un titre prestigieux.

La basilique n’est pas qu’un monument : c’est le cœur battant d’un quartier où s’entremêlent commerces, échoppes, hôpitaux, écoles. Son aura irradie loin au-delà des frontières du royaume, faisant de Tours une étape majeure sur les routes du pèlerinage médiéval, autant (voire plus !) que Chartres ou Vézelay (Source : Le Moyen Âge, 2006).

Légendes, miracles et rivalités autour du tombeau

La renommée de la basilique doit tout autant à la légende entourant la localisation du tombeau qu’aux innombrables miracles attribués à Martin bien après sa mort. Les chroniqueurs rapportent, au fil des siècles, des guérisons et secours spectaculaires : malades venus clopin-clopant repartent en pleine forme, prisonniers libérés, enfants perdus retrouvés… Une ferveur au parfum de merveilleux, qui attire au Moyen Âge aussi bien les rois que de simples villageois.

  • Clovis, le premier roi chrétien des Francs, y vient prier en 507 avant la bataille de Vouillé.
  • Charlemagne offre à la basilique des « donations immenses » en remerciement d’une victoire.
  • Même Louis XI, installé à Plessis-les-Tours, multiplie les pèlerinages privés au sanctuaire (source : Ville de Tours).

Sur un ton moins solennel, certains chroniqueurs médiévaux notent que la fondation de la basilique donne lieu à des «guerres picrocholines» : entre les chanoines de Saint-Martin et les évêques de Tours, la gestion du trésor du Saint n’est pas de tout repos… Preuve que la religion n’empêchait ni l’esprit de clocher ni les querelles de cloître.

Des vestiges cachés : sous la crypte, la trace d’un miracle éternel

La basilique Saint-Martin a subi plus de destructions que de rosiers au vent d’avril : incendiée au Xe siècle par les Normands, reconstruite plus grande à partir de 1014, puis ravagée à la Révolution, avant d’être littéralement rasée vers 1802. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que l’on redécouvre les vestiges de la sépulture originelle sous le bitume de la rue des Halles !

Cette redécouverte en 1860 fut presque aussi miraculeuse que la légende d’origine : l’archéologue Léon Papin-Dupont, persuadé par les textes anciens, fait creuser et exhume la crypte d’origine (source : Ville de Tours). Aujourd’hui encore, la crypte, humble et silencieuse, attire des pèlerins de tous horizons qui viennent y déposer une prière – et, qui sait, surprendre encore le souffle de la légende.

  • La basilique actuelle a été bâtie en 1902, inspirée du style néo-byzantin, sur les plans de Victor Laloux (oui, le même architecte qui a dessiné la gare de Tours !).
  • Elle abrite une relique : un fragment du crâne de Martin, retrouvé grâce à un pèlerin autrichien qui en avait jadis fait don au XIXe siècle (Source : Église Saint-Martin de Tours).

Quant à la tombe légendaire, elle se visite toujours : gravée dans la pierre, entourée de plaques votives, chargée d’un parfum d’histoire et de ferveur.

Les reliques, un trésor disputé à travers l’Europe

Phénomène courant au Moyen Âge, la « translation » des reliques de saints est souvent synonyme de rivalités, d’espionnage religieux et… d’anecdotes rocambolesques. La basilique Saint-Martin n’échappe pas à la règle — bien au contraire.

  • Entre le VIe et le XIe siècle, plusieurs villes rivales (Troyes, Castres, Amiens…) réussirent à dérober, fragmenter ou s’approprier des morceaux des ossements du saint, créant parfois de véritables affaires d’État (Source : Bulletin Monumental, 1924).
  • Au XIXe siècle, alors que les reliques avaient été dispersées à la Révolution, c’est une enquête digne d’Indiana Jones qui aboutit au retour inespéré (et en grande pompe) des fragments originels dans la nouvelle basilique.
  • De petits éclats du manteau et du crâne du saint sont aujourd’hui conservés à l’abri dans la crypte, exposés lors de grandes célébrations.

Ces reliques, jalousement protégées, témoignent du rayonnement européen du culte martinien — encore vivant aujourd’hui, et symbolisé chaque 11 novembre par la grande procession de la Saint-Martin, où Tourangeaux et voyageurs croisent leur route entre bougies et fanfares.

Trésors et secrets à découvrir lors de votre visite

Pour toucher du doigt la légende, une promenade autour de la basilique s’impose. Quelques adresses et idées insolites pour agrémenter le parcours :

  • Crypte Saint-Martin : Petite mais émouvante, la crypte de la basilique restaure le lien avec la toute première sépulture du saint.
  • Tour Charlemagne : Vestige majestueux de la basilique médiévale, elle offre un point de vue imprenable… quand on ose gravir ses 248 marches.
  • Basilique actuelle : Remarquable pour ses mosaïques dorées et son dôme bleu-nuit étoilé. Le détail à ne pas manquer ? Les graffitis médiévaux gravés près de l’entrée, témoins discrets du passage des pèlerins.
  • Le quartier Saint-Martin : Rues étroites, façades colorées, cafés animés – où perce parfois le parfum d’un macaron Tourangeau, hommage moderne à l’hospitalité du saint.
  • Les fêtes de la Saint-Martin : Chaque 11 novembre, la basilique s’illumine pour une procession unique où se mêlent spiritualité, chants et dégustations – car à Tours, la légende finit souvent par trinquer avec le terroir.

Quand la légende inspire toujours Tours aujourd’hui

L’histoire de la fondation de la basilique Saint-Martin, nourrie de tradition orale, de récits de miracles et de fragments de pierre, reste au cœur de l’identité tourangelle. Elle habite les lieux, inspire les artistes et fédère chaque année les habitants autour d’un “miracle” renouvelé : celui d’une ville animée par son histoire mais, surtout, tournée vers l’inattendu.

Parfois, il suffit de lever les yeux pour percer le secret d’un halo de lumière au détour d’une ruelle, ou de s’attarder dans la fraîcheur de la crypte pour sentir que la légende du saint continue de vibrer sous les pas des promeneurs curieux. Cette histoire, enracinée dans la pierre, prouve que la vraie aventure ne se cache pas toujours là où on l’attend ; et que, contre vents, marées et révolutions, la magie de Tours n’a jamais cessé d’inspirer.