28 septembre 2025
Qui n’a jamais entendu parler de la basilique Saint-Martin à Tours ? Mais saviez-vous que sa fondation tire sa source d’une légende fascinante où l’invisible flirte avec le merveilleux, repoussant les limites du rationnel ? Oubliez les images figées de pierre et de silence : ici, l’histoire se lit comme un conte, entre foi populaire, stratégies politiques et coups de théâtre célestes.
L’histoire remonte à l’an 397. À la mort de Martin, évêque de Tours adoré du peuple, sa dépouille fait l’objet d’âpres negotiations entre Poitevins et Tourangeaux, tous désireux d'honorer ce saint hors normes. Après moult tractations, c’est Tours qui remporte la précieuse relique. Mais comment localiser précisément le tombeau du saint pour construire un sanctuaire digne de l’homme auquel on attribue déjà de nombreux miracles ?
C’est là qu’entre en jeu la célèbre légende de la « pluie miraculeuse ». Selon ce récit transmis par Grégoire de Tours (VIe siècle), alors que la nuit rend tout repère difficile, la tombe de Martin se signale soudain d’une lumière céleste, tandis qu’une faible pluie tombe partout ailleurs… sauf à cet endroit précis (source : Grégoire de Tours, "Vie de saint Martin"). Cette manifestation, unanimement reconnue comme un signe divin, guide la construction de la première chapelle, ancêtre de la basilique actuelle.
La simple chapelle d’origine, édifiée par l’évêque Brice vers 437, ne tarde pas à attirer une foule sans cesse croissante de pèlerins venus de tout l’Occident. Pourquoi ? Martin, soldat romain devenu moine puis évêque, est alors le saint le plus populaire de Gaule, célébré pour sa charité légendaire (le fameux partage de son manteau avec un pauvre – non, ce n’est pas qu’une histoire pour enfants).
La basilique n’est pas qu’un monument : c’est le cœur battant d’un quartier où s’entremêlent commerces, échoppes, hôpitaux, écoles. Son aura irradie loin au-delà des frontières du royaume, faisant de Tours une étape majeure sur les routes du pèlerinage médiéval, autant (voire plus !) que Chartres ou Vézelay (Source : Le Moyen Âge, 2006).
La renommée de la basilique doit tout autant à la légende entourant la localisation du tombeau qu’aux innombrables miracles attribués à Martin bien après sa mort. Les chroniqueurs rapportent, au fil des siècles, des guérisons et secours spectaculaires : malades venus clopin-clopant repartent en pleine forme, prisonniers libérés, enfants perdus retrouvés… Une ferveur au parfum de merveilleux, qui attire au Moyen Âge aussi bien les rois que de simples villageois.
Sur un ton moins solennel, certains chroniqueurs médiévaux notent que la fondation de la basilique donne lieu à des «guerres picrocholines» : entre les chanoines de Saint-Martin et les évêques de Tours, la gestion du trésor du Saint n’est pas de tout repos… Preuve que la religion n’empêchait ni l’esprit de clocher ni les querelles de cloître.
La basilique Saint-Martin a subi plus de destructions que de rosiers au vent d’avril : incendiée au Xe siècle par les Normands, reconstruite plus grande à partir de 1014, puis ravagée à la Révolution, avant d’être littéralement rasée vers 1802. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que l’on redécouvre les vestiges de la sépulture originelle sous le bitume de la rue des Halles !
Cette redécouverte en 1860 fut presque aussi miraculeuse que la légende d’origine : l’archéologue Léon Papin-Dupont, persuadé par les textes anciens, fait creuser et exhume la crypte d’origine (source : Ville de Tours). Aujourd’hui encore, la crypte, humble et silencieuse, attire des pèlerins de tous horizons qui viennent y déposer une prière – et, qui sait, surprendre encore le souffle de la légende.
Quant à la tombe légendaire, elle se visite toujours : gravée dans la pierre, entourée de plaques votives, chargée d’un parfum d’histoire et de ferveur.
Phénomène courant au Moyen Âge, la « translation » des reliques de saints est souvent synonyme de rivalités, d’espionnage religieux et… d’anecdotes rocambolesques. La basilique Saint-Martin n’échappe pas à la règle — bien au contraire.
Ces reliques, jalousement protégées, témoignent du rayonnement européen du culte martinien — encore vivant aujourd’hui, et symbolisé chaque 11 novembre par la grande procession de la Saint-Martin, où Tourangeaux et voyageurs croisent leur route entre bougies et fanfares.
Pour toucher du doigt la légende, une promenade autour de la basilique s’impose. Quelques adresses et idées insolites pour agrémenter le parcours :
L’histoire de la fondation de la basilique Saint-Martin, nourrie de tradition orale, de récits de miracles et de fragments de pierre, reste au cœur de l’identité tourangelle. Elle habite les lieux, inspire les artistes et fédère chaque année les habitants autour d’un “miracle” renouvelé : celui d’une ville animée par son histoire mais, surtout, tournée vers l’inattendu.
Parfois, il suffit de lever les yeux pour percer le secret d’un halo de lumière au détour d’une ruelle, ou de s’attarder dans la fraîcheur de la crypte pour sentir que la légende du saint continue de vibrer sous les pas des promeneurs curieux. Cette histoire, enracinée dans la pierre, prouve que la vraie aventure ne se cache pas toujours là où on l’attend ; et que, contre vents, marées et révolutions, la magie de Tours n’a jamais cessé d’inspirer.