2 septembre 2025
Impossible de déambuler dans Tours sans croiser le nom de Saint Martin au détour d’une rue, d’un vitrail, ou d’un bistrot accueillant. Sa silhouette, entre le centurion romain et l’évêque en manteau, hante l’imaginaire local. Mais derrière l’image pieuse, qui était vraiment Saint Martin ? Et pourquoi ce personnage joue-t-il encore un si grand rôle à Tours et bien au-delà ?
Martin naît vers 316 à Sabaria, en Pannonie (l’actuelle Hongrie) au sein d’une famille de militaires romains. Tout est déjà écrit pour qu’il suive la voie de l’armée impériale. Mais le jeune homme montre vite un tempérament atypique et un intérêt profond pour la foi chrétienne, encore minoritaire dans l’Empire alors tout juste toléré (édit de Milan, 313).
À 15 ans à peine — l’âge de nos lycéens d’aujourd’hui — il s’engage par la force des choses dans la cavalerie. C’est au cours de ce service qu’il vit sa fameuse rencontre avec un mendiant transi de froid aux portes d’Amiens : Martin fend son manteau pour en remettre la moitié au malheureux. Cet acte — plus profond qu’il n’y paraît — deviendra le symbole même du partage chrétien, le geste fondateur d’une légende.
Véritable original pour son temps, Martin quitte finalement l’armée, destiné à la vie monastique. Il rejoint Hilaire de Poitiers, devient ermite à Ligugé, puis fonde la première communauté monastique des Gaules : le « Marmoutier », juste à la sortie nord de Tours. En 371, contre son gré (et selon la légende, caché dans une basse-cour), il devient évêque de Tours, porté par l’enthousiasme populaire.
Étapes-clés | Lieu | Période |
---|---|---|
Naissance | Sabaria (Hongrie) | 316 |
Conversion | Amiens | v. 334 |
Vie monastique | Ligugé, puis Marmoutier (Tours) | 360 à 371 |
Épiscopat | Tours | 371-397 |
Martin se démarque par son engagement auprès des pauvres, son refus des richesses et son combat contre le paganisme — mais sans violence, préférant la persuasion, l’exemple, et parfois… quelques miracles ! Il combat les superstitions locales et se fait bâtisseur de ponts entre les populations gallo-romaines et les premières communautés chrétiennes.
Martin devient rapidement une figure quasi-légendaire, surtout après sa mort en 397. Son biographe, Sulpice Sévère, relate une vie ponctuée de miracles et d’histoires qui traversent les siècles :
Son culte ne cesse de croître : dès le Ve siècle, la basilique Saint-Martin attire pèlerins, malades et dignitaires de tout l’Occident.
Impossible de parler de Saint Martin sans raconter l’épopée de sa basilique. La première tombe, toute simple, fut érigée en 397, peu après sa mort. Mais la ferveur chrétienne change la donne : au fil des siècles, la modeste chapelle grandit, jusqu’à devenir l’une des plus grandes basiliques romanes d’Occident, rivalisant avec Saint-Pierre de Rome au XII siècle (source : Monographie de la basilique Saint-Martin de Tours, Jean-Marie Crozaz).
La basilique subit pillages, guerres de Religion, Révolution : elle est détruite en grande partie à la fin du XVIII siècle, remplacée par de modestes maisons… La crypte et les vestiges subsistent toutefois. C’est au XIX siècle que la basilique actuelle renaît, grâce à l’acharnement du curé Meignen — thème chéri des visites insolites : repérer, à travers le quartier, les traces de l’ancienne basilique (notamment la Tour de Charlemagne et la Tour de l’Horloge).
Peu d’habitants le savent, mais Tours doit en grande partie à Saint Martin sa prospérité dès le haut Moyen Âge. Les premiers pèlerinages dopent l’économie locale : hôtelleries, artisans du vitrail, orfèvres… sans parler du marché des reliques. Martin attire les foules, fédère les quartiers : aujourd’hui encore, aucun Tourangeau ne s’étonne de voir son effigie partout, des armoiries de la ville jusqu’aux noms de rues (plus de 200 édifices dans le monde portent aujourd’hui le nom de Saint Martin).
Bien au-delà du religieux, Saint Martin fédère toutes les générations. Il est encore célébré laïquement lors de la « nouvelle Saint-Martin » en novembre, occasion de dégustations et d’animations. C’est aussi l’emblème du partage, souvent invoqué dans les actions de solidarité locale.
Événement | Date | Description |
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Nuit des Évêques | printemps | Visites nocturnes, parcours lumière autour de la basilique |
Pèlerinage Saint-Martin | 11 novembre | Rassemblement religieux et festif, convivialité assurée |
Nouveaux parcours « Sur les pas de Saint-Martin » | toute l’année | Pistes pour petits et grands, initiations guidées ou libres |
Les écoles, les associations et même certains commerces continuent de puiser dans son héritage pour valoriser un « art du vivre-ensemble », signature discrète du « bel esprit tourangeau ».
Partir sur les pas de Saint Martin, c’est enfiler ses baskets et voyager entre les siècles :
Visiter Tours, c’est aussi se laisser surprendre par le nombre de représentations de Martin sur les bâtiments civils, les bornes routières, voire dans le mobilier urbain moderne.
Saint Martin n’est pas une exclusivité tourangelle : il est l’un des saints les plus populaires d’Europe occidentale. Plus de 4 000 églises lui sont dédiées en France, et son culte franchit les Pyrénées et les Alpes. On retrouve sa mémoire en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, en Hongrie bien sûr, mais aussi en Amérique latine.
Cette dimension universelle explique la présence régulière de pèlerins venus du monde entier à Tours – qui est, avec Rome et Saint-Jacques, une étape majeure sur les routes de pèlerinage médiévales.
Celle ou celui qui regarde Tours autrement n’a jamais fini de s’étonner. Suivre les chemins de Saint Martin, c’est autant une promenade qu’une leçon d’histoire vivante. Chacun pourra, à sa façon, choisir sa porte d’entrée : une visite guidée, un parcours en famille, ou simplement une halte émue devant une statue de marbre discrète au coin d’une ruelle. L’essentiel ? Garder le goût de l’émerveillement – celui qui animait Martin lui-même, au quotidien, à la rencontre des habitants de son temps… et du nôtre.
Pour approfondir :