14 septembre 2025
Tours, ville « inattendue » jusque dans sa trame musicale ! Son histoire sonore démarre bien avant les tubes d’aujourd’hui. Point de départ : le Moyen Âge tardif, où la cité tourangelle était reconnue pour ses écoles cathédrales formant musiciens et chantres. Un document de 1462 (source : Archives Départementales d’Indre-et-Loire) signale déjà le renom des « musiciens de la cathédrale Saint-Gatien », dont plusieurs composeront de la musique sacrée influente jusque dans les Flandres.
À la Renaissance, Tours bouillonne d’intellectuels, de poètes et, bien sûr, de musiciens. Parmi eux, Pierre de Ronsard, natif de la région (Savigny-en-Véron, près de Tours), s'entoure de compositeurs à l’image d’Antoine de Bertrand, figure majeure de la « musique de la Pléiade », préfigurant l’opéra à la française. Son recueil de Chansons de Pierre Ronsard (1578) est l’un des premiers cycles lyriques de la Renaissance.
Les orgues de Saint-Gatien et du Grand Oratoire, dont certains éléments d’époque subsistent, témoignent encore du dynamisme musical de la ville dès le XVe siècle.
Impossible de parler de l’essor musical tourangeau sans saluer le foisonnement humaniste incarné par Rabelais (né à La Devinière, tout près), puisqu’il accueille dans ses Gargantua et Pantagruel bien des références musicales. À la cour du duc de Valois, plusieurs musiciens sont attachés à la « musique de table » et aux ballets de la Renaissance, certains présents à Tours ou à Amboise.
C’est dans l’orbite de la cour, alors installée tour à tour à Tours, Blois et Amboise, que le jeune Jean-Baptiste Lully (1632-1687) fait ses premières armes. D’origine italienne, il séjourne adolescent à Tours lors de la Fronde, avant de devenir le « surintendant de la musique royale ». Selon la biographie de Jérôme de la Gorce (Fayard, 2002), Lully aurait travaillé, entre 1645 et 1650, auprès de musiciens tourangeaux, notamment les frères Marchand, érudits de Saint-Gatien.
La tradition de l’opéra baroque, qui subsiste aujourd’hui avec le festival Concerts d’Automne et les ensembles du Centre de Musique Baroque de Versailles (créé à l’initiative d’universitaires tourangeaux), trouve ici l’une de ses racines.
Ce climat propice attire également des familles de musiciens : les frères Gendron, dont Paul (le violoncelliste, élève de Jules Delsart, professeur à Tours), influencent les jeunes virtuoses du XX siècle.
Tours est l’une des rares villes françaises à avoir conservé la tradition séculaire de maîtrises (chœurs d’enfants formés dès le Moyen Âge). Celle de la cathédrale Saint-Gatien, puis celle de la basilique Saint-Martin, donnent naissance à de nombreux chanteurs célèbres, comme Jean-Claude Malgoire (1939-2018), fondateur de La Grande Écurie et la Chambre du Roy.
Un tiers des concerts programmés chaque année dans la métropole tourangelle porte la marque du jazz (chiffre DRAC, 2022), entre Le Petit Faucheux, le Grand Théâtre et les clubs locaux.
Loin de se reposer sur ses lauriers, Tours vibre grâce à une créativité musicale constante.
De grandes créations voient encore le jour ici : l’orchestre symphonique de Tours a joué en 2023 la première européenne d’une œuvre du compositeur local Quentin Mirloup, le projet « Tours Symphonique » réunit chaque année des formations issues des musiques du monde… Le vrai tour de force : faire cohabiter dans la même ville une tradition centenaire et l’exploration sonore la plus inventive.
D’un chant grégorien dans les voûtes de Saint-Gatien à une jam de jazz place Plumereau, Tours démontre, à chaque époque, la vigueur de son héritage musical. On découvre, au fil de ses rues, les traces – évidentes ou secrètes – laissées par les grands noms qui y ont séjourné, joué ou composé. Si vous souhaitez en croiser l’ombre ou l’écho, laissez-vous guider par la playlist vivante qu’est ce patrimoine : il y a fort à parier qu’en tendez, à un coin de rue, une note étonnamment familière…