Tours à l’écoute de la création : Quand les artistes d’aujourd’hui font vibrer la ville

Une scène artistique en pleine (r)évolution

On pourrait croire que Tours se repose sur ses lauriers Renaissance ou son aura littéraire. Pourtant, la cité s’est offert ces dernières décennies un nouvel élan : 17% des entreprises culturelles régionales s’y trouvent (INSEE, 2021), et plus de 500 créateurs y vivent. Le Prix Turner, côté anglo-saxon, met la lumière sur Londres, mais ici, Tours joue sa partition singulière, entre réseaux d’art contemporain, dynamiques urbaines et brassage d’idées.

Des rendez-vous qui rythment la création locale

  • Festival WET° (nouvelle scène des comédiens et metteurs en scène, porté par le Théâtre Olympia)
  • Les Multipliants (événement d’art performance – mixant danse, art plastique et musique)
  • Expositions Off du parcours d’Art contemporain des galeries (focus annuel sur la jeune création)

Tours s’affirme ainsi comme une ville-laboratoire où l’expérimentation artistique se pratique hors des sentiers battus.

Des artistes qui font rayonner Tours ici et ailleurs

Figures reconnues, ambassadeurs de la ville

  • Jean-Luc Verna : Plasticien phare, ce Tourangeau d’origine, exposé à la Villa Médicis ou au MAC/VAL, questionne le corps et les identités à travers dessins, installations ou performances. Son imaginaire singulier l’a propulsé sur la scène internationale (MAC/VAL).
  • Claire Tabouret : Formée aux Beaux-Arts de Paris, c’est à Tours que la peintre puise ses racines. Aujourd’hui installée à Los Angeles, elle explose les codes du portrait en grand format, et a été exposée dans le monde entier (Guggenheim, Fondation Lambert).
  • David d’Angers II (Guillaume Leblon) : Sculpteur réputé, il imagine depuis Tours des œuvres monumentales, alliant marbre et résine, pour des espaces publics en France et à l’étranger.

Les générations montantes à surveiller

  • Laila Maïza : Photographe et vidéaste, elle documente la jeunesse tourangelle et les réalités urbaines avec une douceur singulière. Lauréate du Prix Icart en 2022, elle a présenté à la Chapelle Sainte-Anne des séries plébiscitées sur la mixité.
  • Atelier Chiffonnier : Collectif de designers, ils insufflent une énergie DIY dans la récup’, transformant des objets du passé en installations oniriques visibles entre Tours et Paris.
  • Madame Moustache : Street-artiste, connue pour ses collages féministes et poétiques, elle investit les rues du centre et du quartier Velpeau. Plusieurs de ses œuvres sont intégrées au parcours “Murs Ouverts”.

Galeries, ateliers, collectifs : les viviers de création

Ce n’est pas un hasard si, en 2023, la Région Centre-Val de Loire a attribué près de 620 000 € à la structuration des lieux artistiques tourangeaux (DRAC).

Les carrefours de la modernité artistique

  • Le Château de Tours : Outre ses accrochages historiques, il accueille régulièrement de jeunes talents contemporains – en 2022, une expo-événement consacrait 15 photographes de la région.
  • Le Centre de Création Contemporaine Olivier Debré (CCC OD) : Ce paquebot de béton signé Aires Mateus s’est imposé comme la référence de l’art contemporain à Tours, alternant grandes expos (Boltanski, Lee Ufan) et promotion d’artistes régionaux lors du “Projet Hybride”.
  • La Galerie Duchamp (quartier Blanqui) : Lieu semi-privé, elle expose entre autres talents locaux et internationaux, privilégiant l’expérimentation plastique.

À côté, une trentaine de petits ateliers (textile, céramique, gravure) ouvrent ponctuellement leurs portes lors des “portes ouvertes d’ateliers d’artistes”, événement plébiscité par près de 5000 visiteurs en 2023 (Ville de Tours).

Arts de la scène et hybridations : un dynamisme contagieux

Au-delà du visuel, Tours se distingue par une scène “vivante” où théâtre contemporain, danse, arts du cirque et musique électro fusionnent dans une atmosphère joyeusement débridée :

  • Collectif NightShot : Porteur de la création théâtrale alternative, il anime des performances in situ dans des friches et fait dialoguer théâtre et arts visuels (notamment au sein du festival WET°).
  • Label Pola : Ce collectif d’électro expérimentale (né à Tours en 2016) exporte aujourd’hui des artistes comme Milkilo ou Ventre de biche, croisant installations sonores et DJ sets dans des lieux hybrides.
  • Le Petit faucheux : Refuge incontournable du jazz et des musiques improvisées depuis 1983, cette salle accueille aussi bien des stars (Erik Truffaz, Avishai Cohen) que des jeunes pousses régionales.

L’effervescence de Tours côté danse moderne

  • L’Atelier de l’Éclaircie et l’arcade Danse en Loire font rayonner la jeune génération de chorégraphes, tandis que des initiatives comme “Dansons sur la Loire” investissent l’espace public, transformant le pont Wilson ou le quartier Paul-Bert en véritable scène à ciel ouvert.

Artisanat d’art : l’autre force créative tourangelle

À Tours, le design et les arts appliqués ne sont pas réservés aux galeries. La ville compte une quarantaine de Meilleurs Ouvriers de France (MOF) en activité artistique (Institut National des Métiers d’Art). Ces artisans perpétuent la créativité tourangelle tout en l’ouvrant à la modernité :

  1. La Manufacture Langlois : Maîtres ébénistes depuis quatre générations dans le quartier Paul-Bert, ils restaurent avec une approche contemporaine des œuvres signées Charlotte Perriand ou les lambris du Grand Théâtre.
  2. Ateliers Carbone (quartier Velpeau) : Quatre jeunes créateurs travaillent verre, métal et textile, alliant réemploi et créations sur-mesure. Leur table “Loire” a récemment été exposée à la Biennale Internationale du Design de Saint-Étienne.
  3. Clémence Risser : Céramiste, son atelier propose des pièces orchestrant couleur et texture, présentes aussi bien à la boutique du CCC OD que dans des restaurants étoilés de la région.

Nouvelles formes d’art et initiatives citoyennes

Art urbain et street art : Tours en grand format

Depuis le festival Superposition en 2019, plus d’une vingtaine de fresques monumentales et de collages fleurissent à Tours, signées Monkey Bird, Petit Fantôme, ou Madame Moustache. Le parcours “Murs Ouverts” permet à chacun de parcourir la ville différemment – 18 œuvres repérées rien que sur l’axe Sanitas – Bretonneau, abondamment photographiées sur les réseaux sociaux (Ville de Tours).

Espaces partagés : nouveaux terrains d’expression

  • Le 37e Parallèle : Occupant un ancien site industriel, ce tiers-lieu d’art (créé en 2018) réunit 45 artistes et collectifs. Il accueille près de 50 événements annuels : expositions participatives, performances, ateliers ouverts à tous.
  • L’Écoute-Moi Voir : Association portée par des artistes de l’image et du son, elle crée des promenades sonores et des “siestes musicales” à la Guinguette de Tours-sur-Loire, mêlant musique expérimentale et art environnemental.

Un réseau vivant, ouvert et généreux

Le foisonnement artistique actuel de Tours doit beaucoup à ses réseaux d’entraide, son univers étudiant (près de 30 000 étudiants, particulièrement dans la filière arts à l’Université et aux Beaux-Arts), et à l’audace de lieux mixtes (bars associatifs, librairies-galeries, ateliers partagés). La réussite de rendez-vous comme l’Open Tour (balade artistique de nuit) ou les sessions “Free Walls” dans des friches témoignent d’une curiosité bien ancrée.

Ce qui frappe ici, ce n’est pas la compétition mais la conversation : artistes “installés” et jeunes pousses collaborent sur des projets communs, partagent leurs savoir-faire lors d’ateliers ouverts et enrichissent la palette culturelle, bien au-delà de la simple exposition. Une synergie soutenue par la municipalité et la Région, qui font de Tours une ville où le contemporain s’ancre joyeusement dans le quotidien de tous.

Vers de nouveaux horizons : Tours, laboratoire créatif

Année après année, Tours réinvente la façon dont on expose, partage et vit l’art : la récente initiative de micro-musées itinérants, les collaborations entre chefs étoilés et designers, ou le succès du CCC Kids (programme d’initiation à l’art pour les enfants) montrent que la créativité y est un terrain de jeu ouvert à tous.

Les créateurs tourangeaux d’aujourd’hui n’enferment pas l’art dans les galeries : ils le disséminent dans les quartiers, sur les marchés, et parfois au détour d’une rue. Pour qui veut bien ouvrir l’œil, Tours n’a jamais été aussi inventive. Prêts à pousser la porte de l’inattendu ?