Tours inattendue : plonger dans les secrets bien gardés de la ville

Le Grand Théâtre : le joyau (presque) secret de la Belle Époque

Il suffit de franchir le porche du Grand Théâtre de Tours, niché avenue de Grammont, pour saisir en un instant la démesure feutrée de la Belle Époque. Ce bâtiment, conçu par Jean Hardion et inauguré en 1889 après l’incendie de l’ancien théâtre en 1866, reste pourtant largement ignoré des flâneurs. Rares sont ceux qui savent que cette salle a accueilli Sarah Bernhardt, Camille Saint-Saëns ou Léo Delibes (source : Opéra de Tours).

  • Plus de 950 places, des décors à l’italienne somptueux, une machinerie d’époque aujourd’hui classée et un plafond en trompe-l’œil autant admiré qu’ignoré.
  • Des détails architecturaux uniques : une façade moderniste masquée par des arbres, des sculptures de Léon-Alfred Fourneau posées au-dessus des entrées principales.
  • Une programmation qui mêle opéra, ballets, et concerts symphoniques, permettant de découvrir ce patrimoine vivant lors de soirées accessibles même aux non-initiés.

Visites guidées ponctuelles dans les coulisses, sur réservation à l’opéra – et l’occasion de tester le buffet, encore empreint de son atmosphère années 30.

Une villa romaine sous vos pieds : l’incroyable cryptoportique du Musée du Compagnonnage

À deux pas de la Loire, la façade du Musée du Compagnonnage attire l’œil. Mais peu se doutent que ses sous-sols abritent l’un des vestiges gallo-romains les plus énigmatiques de Tours : un cryptoportique, daté du Ier siècle de notre ère, entièrement conservé sous la salle même du musée (France 3 Centre-Val de Loire).

  • Ce vaste couloir voûté, de 50 mètres de long, servait à la fois de fondations et d’espace de stockage pour la villa de l’aristocratie locale.
  • Découvert par hasard lors de travaux en 1978, il témoigne de la vie à Caesarodunum, l’ancienne Tours gallo-romaine.
  • Accessible lors des visites guidées du musée – l’un des rares cryptoportiques visitables en France, avec ceux d’Arles et de Reims.

Une expérience tout en fraîcheur, à quelques pas seulement de la rumeur de la ville.

Bâtiment mystérieux : la Tour Charlemagne cachée au cœur d’une cour

C’est le genre d’adresse qui échappera même à de vieux Tourangeaux : la Tour Charlemagne, vestige solitaire de l’ancienne collégiale Saint-Martin, tient salon dans la cour d’un immeuble, entre la rue des Halles et la rue Descartes.

  • Édifiée entre le XIe et le XIIIe siècle, reconstruite après l’effondrement de l’église en 1928, la tour culmine à 52 mètres.
  • Accessible en montant un escalier étroit, elle offre l’un des plus beaux panoramas cachés sur les toits de Tours.
  • C’est aussi un enjeu du patrimoine religieux local : près de 185 000 visiteurs s’y pressaient chaque année avant la crise du Covid, dont beaucoup de pèlerins sur la route de Saint-Jacques de Compostelle.

À découvrir lors des Journées du Patrimoine ou grâce aux visites organisées par la ville de Tours et l’Association Saint-Martin.

Le passage du Cœur Navré : havre bucolique d’artisans d’hier et d’aujourd’hui

Avez-vous déjà entendu parler du passage du Cœur Navré ? Ce minuscule passage piétonnier, situé entre la rue Colbert et la rue Briçonnet, reste l’un des secrets les mieux gardés du Vieux Tours. Longtemps repaire d’artisans – tailleurs de pierre et relieurs notamment – il conserve aujourd’hui un esprit de village.

  • Ses maisons basses à colombages abritent toujours galeries d’art et ateliers où l’on croise ébénistes, brocanteurs et créateurs.
  • Un puits médiéval et une glycine centenaire ornent le passage chaque printemps, offrant un décor digne d’un conte urbain.
  • L’adresse figure rarement sur les plans touristiques, c’est donc le lieu parfait pour humer l’âme populaire du quartier et pousser la porte de véritables cavernes d’Ali Baba.

Les riverains souhaitent préserver la tranquillité du lieu – alors, balade discrète recommandée !

Des fresques oubliées : les trésors peints de l’église Saint-Julien

Impossible de ne pas s’arrêter devant la silhouette trapue de l’église Saint-Julien, la doyenne des monuments religieux tourangeaux (XIe-XIIIe siècles). Mais ce que l’on sait moins, c’est la présence de véritables fresques préservées et pour certaines retrouvées au XXe siècle – notamment dans la chapelle sud.

  • Des décors exceptionnels signés André Bauchant (1928), figure singulière de l’école naïve tourangelle, recouvrant entièrement la voûte et les murs de couleurs éclatantes et de motifs floraux rares.
  • La crypte recèle quant à elle d'étonnants vestiges mérovingiens et un mobilier en grès remarquable, souvent ignorés des visiteurs pressés.
  • Des relevés réalisés par l’INRAP en 2002 (INRAP) ont permis d’identifier des couches de peintures successives, révélant un témoin graphique rare de l’histoire religieuse locale.

Le Quartier Blanqui au fil de l’eau : une mémoire ouvrière à explorer

S’échapper un moment du centre-ville pour longer la Loire vers le nord, c’est rencontrer un autre visage de Tours : le quartier Blanqui, marqué par son passé ouvrier, ses maisons basses en tuffeau et ses venelles fleuries. Ce secteur a longtemps été le cœur artisanal de la ville, en raison de sa proximité avec l’eau.

  • Jusqu’au début du XXe siècle, le Blanqui abritait tanneries, moulins et lavoirs : plus de 400 ouvriers y travaillaient aux alentours de 1890 (source : Archives municipales de Tours).
  • La passerelle Fournier, qui relie le quartier au centre, fut pendant 80 ans le trait d’union entre la ville bourgeoise et le faubourg ouvrier – bombardée en 1940, elle fut reconstruite à l’identique après-guerre.
  • On y découvre des adresses introuvables ailleurs : la Bouquinerie du Blanqui (rue du Docteur Fournier), véritable caverne littéraire, et des anciens ateliers transformés en espaces de création.

Un quartier qui s’explore tôt le matin, quand la brume flotte encore sur les bras de Loire et que seuls les bruits de marché accompagnent la balade.

L’abbaye de Marmoutier : un phare spirituel oublié aux portes de Tours

Aux abords nord-est de la ville, en bord de Loire, subsistent les vestiges grandioses de ce qui fut le plus puissant monastère d’Occident au Moyen Âge : l’abbaye de Marmoutier. Fondée par saint Martin en 372, elle accueillit jusqu’à 700 moines avant d’être ruinée à la Révolution (source : Persée).

  • Il en reste une crypte monumentale et la porte romane dite “de la Riche”, récemment restaurée.
  • Des fouilles régulières révèlent mosaïques, caveaux et fragments de fresques, accessibles lors de visites exceptionnelles ou au printemps.
  • Le site, désormais en partie propriété privée, est ouvert lors de rendez-vous organisés : ne pas hésiter à surveiller l’agenda des associations patrimoniales tourangelles pour une visite guidée hors des sentiers classiques.

Un trésor d’archéologie spirituelle posé face à la Loire, à portée de vélo ou de promenade à pied depuis le centre.

Voir Tours autrement : quelques astuces pour percer ses secrets les mieux cachés

  • Se perdre volontairement : les plus belles surprises se découvrent en tournant là où le flot ne va pas, surtout dans le dédale Colbert-Bordeaux-Briçonnet.
  • Questionner commerçants et artisans : ils détiennent souvent des anecdotes et peuvent indiquer portes dérobées, jardins insoupçonnés ou détails d’architecture à observer.
  • Consulter les fonds iconographiques de la ville : images anciennes, cartes postales et plans d’époque, disponibles aux Archives municipales de Tours ou en ligne (Archives municipales de Tours).
  • Profiter des Journées Européennes du Patrimoine : c’est le moment où les hôtels particuliers, ateliers d’artisans et salles historiques ouvrent exceptionnellement leurs portes au public.

Pour curieux insatiables : l’appel du patrimoine invisible

Tours réserve bien d’autres surprises à celles et ceux qui savent où porter leur regard – vestiges de fortifications gallo-romaines derrière la rue Nationale, caves secrètes des anciens marchands de vins, hôtels particuliers transformés en appartements créatifs rue de la Scellerie, ou chemins de halage investis par des artistes de rue. Ce patrimoine méconnu, vivant, fragile parfois, raconte l’histoire d’une ville qui se réinvente sans cesse, loin des clichés. À chaque balade, la promesse d’une nouvelle découverte.