Voyage au cœur des chapelles secrètes de Tours : à la découverte d’un patrimoine spirituel caché

Les chapelles : éclats discrets d’une histoire tourangelle plurielle

Promeneur attentif, lève les yeux : à Tours, entre pierres anciennes et art de vivre, notre héritage spirituel ne se résume pas à la cathédrale Saint-Gatien ou à la basilique Saint-Martin. Loin des foules et des parcours balisés, plusieurs chapelles oubliées témoignent d’un passé où la ville vibrait au rythme des cloîtres, prières et confréries. Ce patrimoine, discret mais saisissant, porte en son sein des histoires souvent plus captivantes, plus humaines encore que celles des grandes églises.

Pourquoi tant de chapelles à Tours ? Un détour par l’histoire

Du Moyen Âge au XIXe siècle, Tours fut un centre spirituel d’envergure. On compte sur son territoire jusqu’à une quarantaine de chapelles et oratoires, selon l’historien Gilles Guerrier (Annales de Bretagne, 1995). Si la plupart ont aujourd’hui disparu ou changé de destination, certaines subsistent, camouflées dans la ville ou préservées au prix d’efforts constants.

  • Le rôle des confréries militantes et solidaires
  • L’essor des hôpitaux, couvents et monastères
  • Les pèlerinages et le rayonnement de saint Martin

Au fil des siècles, les chapelles tourangelles furent créées pour accompagner la vie sociale, soigner les âmes et les corps, mais aussi répondre à la ferveur d’un peuple attaché à ses saints locaux.

Trois chapelles oubliées, trois mondes à explorer

1. La chapelle Saint-Éloi : discrète gardienne des faubourgs

Nichée rue Marcel Tribut, la chapelle Saint-Éloi intrigue par sa simplicité. Construite au milieu du XIXe siècle pour desservir la communauté des forgerons et artisans du quartier, elle demeure un témoin modeste de l’esprit de solidarité ouvrière de l’époque. Anecdote : Une bâtisse aujourd’hui enchâssée entre des ateliers et un parking ! Elle échappa à la démolition dans les années 1970, grâce à une pétition lancée par les descendants des anciens confrères. Les vitraux, bien qu’en partie détruits pendant la Seconde Guerre mondiale, laissent encore filtrer une lumière douce sur l’ancien autel.

Elle illustre parfaitement comment la vie quotidienne, entre travail manuel, entraide et spiritualité, se prolongeait autrefois jusqu’au seuil de ces petits sanctuaires.

  • Adresse : 18 rue Marcel Tribut
  • Accès : uniquement lors des Journées du Patrimoine
  • Conseil : partez à sa recherche lors d’une balade dans le quartier, l’occasion de redécouvrir le Tours industriel !

2. La chapelle Saint-Libert : un vestige carolingien

Elle passe presque inaperçue, coincée contre l’église Saint-Pierre-Ville, au nord de la ville ancienne. Pourtant, des études archéologiques récentes (Inrap, 2018) ont révélé que ses fondations remontent à l’époque carolingienne (IXe siècle), ce qui en fait l’un des plus anciens lieux de culte de Tours encore visibles.

  • Selon la tradition, saint Libert, moine martyr, aurait accueilli ici les premiers pèlerins du chemin de Saint-Jacques depuis Tours.
  • Elle servit longtemps d’abri aux pauvres et aux étrangers, dans le prolongement de la tradition martinoise de charité.

Aujourd’hui, le bâtiment est désaffecté, mais certains éléments romans sont encore visibles, notamment des chapiteaux ornés de motifs végétaux. Une parenthèse émouvante pour qui s’aventure dans cette ruelle calme.

  • Localisation : rue Saint-Libert, près de l’ancien couvent des Minimes
  • Statut : visible de l’extérieur, visites très exceptionnelles
  • Conseil : s’y rendre en fin de journée pour profiter de la lumière dorée sur la vieille pierre

3. La chapelle Saint-Jean du Grand-Marché : celle qui survit dans l’ombre

Il faut savoir lever un coin du voile pour deviner la présence de la chapelle Saint-Jean sur la place du Grand-Marché. Autrefois liée à un hôpital lazaréen, cette modeste bâtisse du XIIe siècle garde encore les traces d’une architecture romane et d’une fresque médiévale extrêmement rare, redécouverte lors de récentes restaurations. Grâce à l’action de bénévoles passionnés, la chapelle a été partiellement sauvée de la ruine dans les années 1980 : consolidation de la nef, remise en valeur du chœur et protection des peintures murales.

  • Adresse : Place du Grand-Marché
  • Statut : uniquement visible lors de visites guidées ou événements culturels
  • Conseil : suivez l’actualité de l’association « Les Amis de Saint-Jean » pour les prochains rendez-vous

Pépites à découvrir :

  • Un fragment de fresque du XIIIe siècle, représentant une Vierge à l’Enfant
  • Le vieux puits, aujourd’hui scellé, utilisé jadis par l’hôpital

Chapelles et hôpitaux : quand la charité guidait la pierre

Le lien entre vie spirituelle et solidarité est palpable à Tours, où plusieurs chapelles servaient aussi d’annexes à des hôpitaux. C’est le cas de la chapelle de l’hôpital général (actuel Musée des Beaux-Arts), qui reçut des centaines d’indigents dès le XVIIe siècle. Imposante, mais souvent occultée par la grandeur de l’édifice principal, elle fut un haut lieu d’accueil et de soins, géré par les sœurs de la Charité. Selon l’ouvrage « Patrimoine des communes d’Indre-et-Loire » (Flohic, 2000), le tissu hospitalier de Tours dénombrait huit chapelles hospitalières au XVIIIe siècle.

  • Chapelle de l’hôpital Lariboisière (détruite), à côté du site de La Riche
  • Chapelle du Bon Pasteur, toujours visible avenue de la Tranchée, insolite par son style néogothique coloré

Événements, visites, initiatives : comment explorer ce patrimoine vivant ?

Les chapelles méconnues peuvent sembler inaccessibles, mais plusieurs initiatives permettent aujourd’hui d’en repousser les portes :

  • Journées Européennes du Patrimoine : de nombreuses chapelles sont exceptionnellement ouvertes (consultez le programme sur tours.fr)
  • Visites guidées thématiques (Ville de Tours, Pays d’Art & d’Histoire) : certains circuits mettent à l’honneur les chapelles, avec des anecdotes inédites
  • Rendez-vous associatifs : les Amis du Vieux Tours, l’association Saint-Jean organisent parfois des concerts ou conférences dans ces lieux singuliers
  • Balades personnelles : un carnet de croquis, un appareil photo et l’esprit ouvert suffisent pour se lancer sur la piste de ces chapelles…

Quelques chapelles à observer en dehors du centre-ville

  • Chapelle Saint-François à Sainte-Radegonde : dans l’ancien faubourg, elle abritait une confrérie soutenant les victimes de la peste (1630-1650).
  • Chapelle du couvent du Carmel : très sobre, cachée dans l’actuel quartier Velpeau, parfois accessible lors de retraites ou expositions temporaires.
  • Chapelle du Foyer Saint-Martin (La Fuye) : alliant modernité années 1920 et respect des traditions, elle accueille encore des moments de recueillement pour les jeunes actifs.

À la rencontre de ceux qui font vivre la mémoire des chapelles

Sans le travail acharné d’un petit groupe de passionnés – historiens locaux, bénévoles, restaurateurs d’art –, nombre de ces chapelles auraient totalement disparu. C’est le cas d’Isabelle, restauratrice de fresques à Tours, qui raconte comment, dans la pénombre et l’humidité, elle a dégagé à la main les pigments oubliés de la chapelle Saint-Jean : « Beaucoup pensent que ces lieux ne sont que des reliques figées, mais ils vivent, ils vibrent, ils parlent à qui sait les écouter. On y sent la trace des mains, des voix, parfois des larmes. »

L’avenir de ce patrimoine dépend aujourd’hui de la curiosité et de l’enthousiasme collectif. Chacun, à son échelle, peut contribuer : signaler une chapelle menacée, soutenir une campagne de restauration, ou simplement en parler autour de soi.

Le souffle discret d’un patrimoine à redécouvrir

Si Tours ne se résume pas à ses grands monuments, ses chapelles oubliées sont d’incomparables portes d’entrée vers une histoire plus intime, plus humaine. Pousser la porte d’une petite chapelle, c’est toucher du doigt la diversité de la foi, du secours et de la solidarité qui ont tissé l’âme de la ville. Ce patrimoine silencieux attend ceux qui aiment prêter attention à ce qui ne se voit pas au premier regard – et ils ne sont jamais déçus du voyage.

Pour prolonger l’aventure architecturale, n’hésitez pas à solliciter guides, associations, ou même à glaner des indices auprès de riverains : chaque bâtisse a son secret, chaque ruelle son mystère. Tours garde toujours une dernière chapelle à révéler – à qui sait chercher !