18 novembre 2025
Promeneur attentif, lève les yeux : à Tours, entre pierres anciennes et art de vivre, notre héritage spirituel ne se résume pas à la cathédrale Saint-Gatien ou à la basilique Saint-Martin. Loin des foules et des parcours balisés, plusieurs chapelles oubliées témoignent d’un passé où la ville vibrait au rythme des cloîtres, prières et confréries. Ce patrimoine, discret mais saisissant, porte en son sein des histoires souvent plus captivantes, plus humaines encore que celles des grandes églises.
Du Moyen Âge au XIXe siècle, Tours fut un centre spirituel d’envergure. On compte sur son territoire jusqu’à une quarantaine de chapelles et oratoires, selon l’historien Gilles Guerrier (Annales de Bretagne, 1995). Si la plupart ont aujourd’hui disparu ou changé de destination, certaines subsistent, camouflées dans la ville ou préservées au prix d’efforts constants.
Au fil des siècles, les chapelles tourangelles furent créées pour accompagner la vie sociale, soigner les âmes et les corps, mais aussi répondre à la ferveur d’un peuple attaché à ses saints locaux.
Nichée rue Marcel Tribut, la chapelle Saint-Éloi intrigue par sa simplicité. Construite au milieu du XIXe siècle pour desservir la communauté des forgerons et artisans du quartier, elle demeure un témoin modeste de l’esprit de solidarité ouvrière de l’époque. Anecdote : Une bâtisse aujourd’hui enchâssée entre des ateliers et un parking ! Elle échappa à la démolition dans les années 1970, grâce à une pétition lancée par les descendants des anciens confrères. Les vitraux, bien qu’en partie détruits pendant la Seconde Guerre mondiale, laissent encore filtrer une lumière douce sur l’ancien autel.
Elle illustre parfaitement comment la vie quotidienne, entre travail manuel, entraide et spiritualité, se prolongeait autrefois jusqu’au seuil de ces petits sanctuaires.
Elle passe presque inaperçue, coincée contre l’église Saint-Pierre-Ville, au nord de la ville ancienne. Pourtant, des études archéologiques récentes (Inrap, 2018) ont révélé que ses fondations remontent à l’époque carolingienne (IXe siècle), ce qui en fait l’un des plus anciens lieux de culte de Tours encore visibles.
Aujourd’hui, le bâtiment est désaffecté, mais certains éléments romans sont encore visibles, notamment des chapiteaux ornés de motifs végétaux. Une parenthèse émouvante pour qui s’aventure dans cette ruelle calme.
Il faut savoir lever un coin du voile pour deviner la présence de la chapelle Saint-Jean sur la place du Grand-Marché. Autrefois liée à un hôpital lazaréen, cette modeste bâtisse du XIIe siècle garde encore les traces d’une architecture romane et d’une fresque médiévale extrêmement rare, redécouverte lors de récentes restaurations. Grâce à l’action de bénévoles passionnés, la chapelle a été partiellement sauvée de la ruine dans les années 1980 : consolidation de la nef, remise en valeur du chœur et protection des peintures murales.
Pépites à découvrir :
Le lien entre vie spirituelle et solidarité est palpable à Tours, où plusieurs chapelles servaient aussi d’annexes à des hôpitaux. C’est le cas de la chapelle de l’hôpital général (actuel Musée des Beaux-Arts), qui reçut des centaines d’indigents dès le XVIIe siècle. Imposante, mais souvent occultée par la grandeur de l’édifice principal, elle fut un haut lieu d’accueil et de soins, géré par les sœurs de la Charité. Selon l’ouvrage « Patrimoine des communes d’Indre-et-Loire » (Flohic, 2000), le tissu hospitalier de Tours dénombrait huit chapelles hospitalières au XVIIIe siècle.
Les chapelles méconnues peuvent sembler inaccessibles, mais plusieurs initiatives permettent aujourd’hui d’en repousser les portes :
Sans le travail acharné d’un petit groupe de passionnés – historiens locaux, bénévoles, restaurateurs d’art –, nombre de ces chapelles auraient totalement disparu. C’est le cas d’Isabelle, restauratrice de fresques à Tours, qui raconte comment, dans la pénombre et l’humidité, elle a dégagé à la main les pigments oubliés de la chapelle Saint-Jean : « Beaucoup pensent que ces lieux ne sont que des reliques figées, mais ils vivent, ils vibrent, ils parlent à qui sait les écouter. On y sent la trace des mains, des voix, parfois des larmes. »
L’avenir de ce patrimoine dépend aujourd’hui de la curiosité et de l’enthousiasme collectif. Chacun, à son échelle, peut contribuer : signaler une chapelle menacée, soutenir une campagne de restauration, ou simplement en parler autour de soi.
Si Tours ne se résume pas à ses grands monuments, ses chapelles oubliées sont d’incomparables portes d’entrée vers une histoire plus intime, plus humaine. Pousser la porte d’une petite chapelle, c’est toucher du doigt la diversité de la foi, du secours et de la solidarité qui ont tissé l’âme de la ville. Ce patrimoine silencieux attend ceux qui aiment prêter attention à ce qui ne se voit pas au premier regard – et ils ne sont jamais déçus du voyage.
Pour prolonger l’aventure architecturale, n’hésitez pas à solliciter guides, associations, ou même à glaner des indices auprès de riverains : chaque bâtisse a son secret, chaque ruelle son mystère. Tours garde toujours une dernière chapelle à révéler – à qui sait chercher !